ENTRAINEMENT DU CHIEN D’ASSAUT DU CENTRE NATIONAL D’INSTRUCTION CYNOPHILE DE LA GENDARMERIE NATIONALE DE GRAMAT
ENTRAINEMENT DU CHIEN D’ASSAUT DU CENTRE NATIONAL D’INSTRUCTION CYNOPHILE DE LA GENDARMERIE NATIONALE DE GRAMAT
Il est 15 h en ce premier jour d’été, quand les dresseurs instructeurs du Centre National d’Instruction Cynophile de la Gendarmerie Nationale de Gramat (CNICGN) se rendent à Viroulou. Sur place, les vestiges d’une ancienne base aérienne construite dans les années 30 qui laisse place aujourd’hui à des bâtiments délabrés. Abandonnés, ces lieux qui autrefois servaient de stockage de munitions et qui dans leurs heures de gloire étaient dotés d’un stand de tir, d’une piscine et d’un héliport, ont été désertés et cédés par l’armée au CNICGN. Depuis 2004, ce site militaire voit passer des centaines de chiens et maîtres-chiens qui se forment pour renforcer les brigades de France. Aujourd’hui, c’est au tour de Rasta de s’entraîner, car ce malinois de 17 mois rejoindra les rangs du GIGN fin décembre, en tant que chien d’assaut. Calme, il arrive devant l’entrée du bâtiment au bout d’une laisse tenue par Olivier, ancien militaire devenu dresseur instructeur depuis 2019. Le scénario commence alors. Rapidement, une colonne d’assaut se constitue le long d’un mur et le chef de groupe est désigné. Olivier, chargé de former les chiens d’assaut pour le GIGN les rejoint en milieu de colonne. « Ce sont les équipiers de la colonne qui décident de ma position en fonction des besoins que l’on a du chien », explique-t-il. D’un coup, un chant religieux musulman se fait entendre. Alerte et silencieux, Rasta pénètre dans le bâtiment, toujours aux pieds de l’instructeur, précédé par des équipiers. Un comportement canin recherché pour ce type de chien « qui ne doit ni couiner ni aboyer » pour ne pas trahir la présence des forces armées face à l’ennemi. La colonne maintenant dans le hall de la bâtisse, continue à progresser dans les escaliers, guidée par la musique qui semble de plus en plus proche. Bien que ce ne soit qu’un exercice, l’ambiance est pesante, sérieuse et se déroule dans un silence déroutant. Une fois les forces arrivées au niveau du palier du premier étage, la colonne se positionne à couvert dans des embrasures de portes tout au long du couloir. L’ennemi, droit devant est repéré. Olivier et Rasta se positionnent alors, eux aussi, couverts par un équipier. « L’objectif est que je me positionne correctement, de façon à ce que le chien ait un visuel sur l’ennemi », expose le dresseur. C’est à lui de s’assurer que le chien comprenne bien quelle est la personne à intercepter. Pour cela, Olivier lui a appris à cibler une personne et à se concentrer dessus, grâce à un code ou à un bruit particulier. Et c’est peut-être là, toute la difficulté pour l’animal qui ne doit pas lâcher du regard la cible, ni être déconcentré par des échanges de tirs. « Il ne doit pas mordre tout ce qui se présente devant lui, juste la personne que je lui désigne ». C’est alors qu’un travail de diversion s’opère : « les négociateurs vont détourner l’attention de l’ennemi pour l’amener à un endroit précis où le chien pourra intervenir ». Olivier se focalise sur Rasta, qui lui- même ne détourne pas son attention de l’assaillant, portant pour l’occasion un costume de protection orange fluo. Soudain, mais discrètement, l’ordre arrive : « On envoie le chien ». Aussitôt, tel un ressort, Rasta fonce sur l’ennemi et le mord jusqu’à le mettre à terre. Les échanges de balles à blanc fusent et les équipiers se précipitent tous sur l’ennemi afin de l’immobiliser. « Une fois la menace maîtrisée on fait lâcher le chien ». Une technique qui consiste à faire pression au niveau du cou appelée « décrochage opérationnel ». Bien qu’elle semble brutale, elle est nécessaire « pour que la personne qui se fait mordre ne puisse pas faire lâcher le chien via un mot ». L’exercice terminé, c’est l’heure du débrief. Rasta a su s’adapter, rester silencieux et concentré. « Il a bien rempli la mission » conclut Olivier. Entraîné depuis février, son dressage se terminera fin août. Commencera alors en septembre, un stage de 3 mois avec son maître définitif. Rasta devra ensuite réussir un examen final début décembre, qui sera réalisé par la cellule de contrôle du Centre. Il inclura notamment, une partie assaut, questage et peut-être recherche d’explosif.
Pauline Vilchez.
DR JEAN-BAPTISTE
Vétérinaire des armées
Le commandant Jean-Baptiste*, 42 ans, est vétérinaire au sein du Centre National d’Instruction Cynophile de la Gendarmerie Nationale à Gramat. Responsable de la santé des animaux, son rôle est aussi d’assurer aux troupes militaires l’hygiène de l’eau et du campement, de l’alimentation… Actuellement, il n’y a que 70 vétérinaires des armées en France.
“Il n’y a que 70 vétérinaires des armées en France et trois postes ne sont pas honorés”
Mardi 22 juin 2021
CNICGN
GRAMAT (46)
Pauline Vilchez : Comment êtes- vous devenu vétérinaire pour l’armée ?
Jean-Baptiste : Je suis diplômé de l’école vétérinaire de Liège et j’ai travaillé dans plusieurs cliniques mixtes à dominante équine ou rurale. En parallèle, j’ai été engagé en tant que vétérinaire sapeur-pompier durant 15 ans. C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’aimais particulièrement travailler avec des chiens de travail. En fait, en sortant de l’école, je cherchais une certaine stabilité … que je n’ai jamais trouvé puisque j’ai énormément bougé et changé de secteurs. Mais devenir vétérinaire des armées est une opportunité que j’aurais aimé avoir plus tôt. J’ai aussi été associé dans une structure d’urgences vétérinaires à domicile sur Bordeaux. Ensuite j’ai été réserviste durant 5 ans avant de devenir officier commissionné. C’est-à-dire que j’ai un contrat similaire aux vacataires et je ne peux cumuler les contrats que durant 20 ans maximum. Il faut savoir qu’il n’y a que 70 vétérinaires des armées en France et que 3 postes ne sont pas honorés, de par je pense, le manque de communication au sujet de ce métier.
P. V. : Vous travaillez au sein de la gendarmerie cynophile, quel est votre rôle ?
J-B. : Nous sommes deux vétérinaires et une ASV à travailler au sein du Centre National d’Instruction Cynophile de la Gendarmerie Nationale (CNICGN). Concrètement, on prépare les chiens à une vie de travail car ils sont fortement sollicités psychiquement et physiquement. Notre objectif est de faire en sorte qu’à tous moments, les chiens soient capables de remplir leurs missions. Et ce, dès l’achat de l’animal. Donc dans un premier temps, avant que la gendarmerie achète le chien, il est soumis à des tests comportementaux, puis vétérinaires. C’est à ce moment-là que j’effectue un examen général et que je recherche des pathologies comme la dysplasie des coudes et des hanches. La dysplasie est un élément très important pour nous parce que si le chien développe une boiterie puis une souffrance, cela le rend inopérationnel. C’est d’ailleurs pour cela que nous ne prenons que des chiens entre 10 et 12 mois. Une fois achetés, on doit les préparer à une vie de groupe en chenil, ils sont donc vaccinés contre la maladie de Carré, l’hépatite de Rubarth, la parvovirose et obligatoirement contre la rage puisqu’ils sont tous susceptibles de partir en mission à l’étranger. Ensuite, on s’assure du respect du bien-être animal (dressage, prévention des boiteries, fatigues, problèmes de coussinets…).
“Il faut arrêter la sélection génétique non réfléchie”.
P. V. : Comment s’organisent vos journées ?
J-B. : En général tous les matins on effectue de la bobologie sur des petits soucis survenus la veille ou durant la nuit. Puis on réalise sur rendez- vous les consultations concernant les chiens qu’on teste avant l’achat, et les visites annuelles. Le reste du temps on fait de l’administratif, de la gestion de pharmacie et des conseils au commandement. Il y a toujours un des deux vétérinaires de garde et nous savons gérer toutes les urgences même s’il n’y en a que très peu. Au sein de la clinique, nous avons une radio, un bloc opératoire, un chenil infirmerie (pour les chiens sous surveillance) et un laboratoire. Il n’y a que les examens complémentaires spécifiques (IRM, ERG etc.) qu’on ne réalise pas et pour lesquels nous faisons appel à l’ENVT.
P. V. : Quelles différences y a-t-
il entre la pratique en cabinet classique et celle pour l’armée ?
J-B. : Je dirai que la première différence se joue au niveau de la vie personnelle, parce qu’on a presque des horaires de bureau. Il y a aussi le fait que la pression de la clientèle n’est plus présente, parce que là j’ai affaire à des professionnels. Donc si je leur dis que telle chose peut attendre demain ou lundi, ils m’écoutent. Quand je faisais les urgences à domicile de Bordeaux, les gens qui vous appellaient même pour des problèmes bénins, ne voulaient pas s’entendre dire « ça peut attendre demain », ils m’appelaient parce que j’étais le relais de leur vétérinaire, une fois le cabinet fermé. Ici, on exploite au maximum nos capacités vétérinaires. Que cela soit pour des humains ou pour des animaux, il faut que je m’assure qu’aucune maladie (eau, alimentation, hygiène etc.) ne puisse altérer les capacités opérationnelles des soldats et des animaux.
P. V. : Y a-t-il des différences en terme de gestes pratiques entre une clinique classique et pour l’armée ?
J-B. : Ce sont deux médecines très différentes. Moi j’ai affaire à des militaires, pas des familles. Ici par exemple, on est vraiment dans le préventif parce que je préviens tout ce que le chien peut rencontrer au cours de sa carrière, donc si je veux revoir un chien quatre fois par jour ou une fois par semaine, je peux, alors qu’en clinique classique c’est difficile de demander
Sinon, les deux grosses différences concernent les radios de dysplasies et les prothèses de crocs. En clinique, je n’avais fait que deux radios de dysplasies, alors qu’ici j’en fais une pour tous les chiens puisque c’est un des critères de sélection (on ne les prend que jusqu’au stade C). Concernant les prothèses de crocs, c’est assez fréquent pour les chiens de défense et d’assaut qui ont du mordant. On réalise le moulage puis on fait appel à un prothésiste dentaire classique.
P. V. : Et en terme de BEA ?
J-B. : On travaille sur des aspects techniques comme les chenils qui
sont chauffés et climatisés, mais nous avons des progrès à faire concernant le recrutement des «caractères» des chiens. C’est-à-dire sélectionner des chiens équilibrés et ne pas les sélectionner
pour leur agressivité. Cela permettrait d’éviter de se retrouver avec des chiens difficiles à réformer parce qu’ils mordent. En revanche, là où il y a un vrai travail général à faire, c’est concernant la sélection des gènes. Il faut arrêter la selection génétique non réfléchie. Tous les jours, je vois des chiens dysplasiques de 10 mois. Aujourd’hui on sait s’en prémunir par la sélection génétique, on le fait déjà sur les bovins.
Propos recueillis par Pauline Vilchez
LE DRESSAGE DES BUSES DE HARRIS DE FAUNA & FILMS
LE DRESSAGE DES BUSES DE HARRIS DE FAUNA & FILMS
PIERRE CADEAC
Dresseur d’animaux
Fauconnier aux premières heures et dresseur de renom dans le milieu du cinéma et de la publicité, Pierre Cadéac, 64 ans, est le directeur de l’entreprise Fauna & Films. Cette société proche de Fontainebleau est spécialisée dans le domaine de l’éducation et du dressage d’animaux, au service du cinéma, de la télévision et de la publicité.
“De réussites en échecs, je suis devenu dresseur professionnel”
Samedi 15 juin 2021
Villemer (Seine et Marne)
Pauline Vilchez : Comment êtes-vous devenu dresseur d’animaux pour le cinéma et la publicité ?
Pierre Cadéac : Lorsque j’étais jeune adolescent, j’ai trouvé une buse blessée que j’ai soignée et de fil en aiguille c’est devenu ma passion. A 15 ans, j’étais fauconnier et j’avais un aigle royal avec qui je partais, seul, durant une semaine dans la nature vers St Bertand-de-Comminges. Il chassait et m’attrapait des chevreuils, il me nourrissait. Et puis un jour, le réalisteur Louis Malle qui tournait un film dans le Lot, a eu besoin d’un aigle. Forcément un enfant qui a un aigle royal à 15 ans, ce n’est pas commun, donc j’étais un petit peu connu dans la région, et il a fait appel à moi. Il faut savoir qu’à l’époque, le milieu du cinéma n’était pas structuré, était moins professionnel. Par exemple, les réalisateurs faisaient appel à quelqu’un qui avait l’animal qui les interressait, sans que ces personnes soient des professionnels.
Et puis, on m’a rappelé en me demandant si je savais dresser un
chat, et de réussites en échecs, je suis devenu dresseur professionnel. Aujourd’hui j’ai participé à plus de 4 000 films et touné aux quatre coins de la planète.
“Nous réalisons aussi de la reproduction d’oiseaux”
P. V. : Comment avez-vous créé votre société Fauna & Films ?
P. C. : A 40 ans, j’ai quitté mon Sud-Ouest pour me rapprocher de la capitale, centre névralgique du cinéma. Alors, j’ai acheté un labours sur lequel j’ai commencé à contruire. Les agriculteurs du coin me prenaient pour un fou ! Mais aujourd’hui Fauna & Films s’étale sur trois hectares avec 300 animaux. Il y a des loups, des renards, des chouettes, des hiboux, des pélicans, des cigognes, des écureuils des chiens, des chats, une panthère, un lynx, différentes sortes de singes etc.
Outre le dressage pour le cinéma ou la publicité, nous réalisons également de la reproduction d’oiseaux et notamment le marabou et le toucan (NDLR. Fauna & Films est le seul en France à reproduire le toucan). C’est d’ailleurs pour cela que nous faisons partie de l’Association Française des Parcs Zoologiques (AFdPZ). Je crois que nous sommes d’ailleurs la seule entreprise à en faire partie, car normalement cette association n’est réservée qu’aux réserves et zoos. Du coup nous avons participé à la réintroduction du vautour dans les Balkans, ou encore du pygargue à tête blanche.
P. V. : Quel a été l’impact du Covid-19 sur votre entreprise liée au monde du cinéma ?
P. C. : C’est très simple : tant que les cinémas ne rouvreront pas, mon entreprise ne tournera pas ou très peu. En 2020, lorsque tout cela a commencé (NDLR. le confinement, et la fermeture de tous les lieux publics en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus), les réalisateurs et producteurs se sont dit que ça ne durerait pas longtemps. Donc ils ont continué les tournages… mais maintenant que la situation dure et qu’il y a plein de films dans les tiroirs, c’est très compliqué.
Le problème, c’est que cette baisse d’activité m’a obligé à mettre certains de mes employés au chômage partiel. Or, le dressage sur nos animaux doit s’effectuer tous les jours, et avec moins de personnel, tout se complique : le nourrissage prend plus de temps et le les entraînements sont moins réguliers qu’en temps normal. Mais on ne perd pas espoir, on y arrive !
Du coup, nous avons entamé des travaux dans tout notre parc, dans l’objectif d’ouvrir au public. Des petits groupes de 10/15 personnes pourront caresser les loups, faire voler les aigles, nourrir les lémuriens etc.
“Un animal dressé est un animal heureux”
P. V. : Comment dresse-t-on des animaux ?
P. C. : Tout dépend de l’espèce. On ne dressera pas un loup comme on dresse un cerf, de même qu’on ne dressera pas un lynx de la même façon qu’un aigle. Il faut d’abord bien connaitre le comportement de l’animal au sens éthologique du terme et orgarniser au mieux sa vie avec les hommes. Jeune, j’ai d’ailleurs été beaucoup aidé par Alain Gallo, professeur d’éthologie à Toulouse. Mais pour résumer, je pense qu’il y a deux règles maîtresses dans le dressage : l’apprivoisement (lié à la confiance) et l’intéressement de l’animal. Mais il faut surtout retenir que dresser un animal, l’imprégner, ne le perturbe pas forcément. On travaille juste sa sociabilisation avec l’humain. Et participer à la vie des hommes leur fait du bien, on le voit à leur comportement, leur alimentation… Un animal dressé est un animal heureux.
Propos recueillis par Pauline Vilchez.