LE DRESSAGE DES BUSES DE HARRIS DE FAUNA & FILMS

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LE DRESSAGE DES BUSES DE HARRIS DE FAUNA & FILMS

Ce jeudi 13 mai, la journée est intense pour l’entreprise spécialisée dans le domaine de l’éducation et du dressage d’animaux, au service du cinéma, de la télévision et de la publicité, Fauna & Films. Entourée de champs agricoles, dans un village aux alentours de Fontainebleau, Fauna & Films doit revoir son organisation suite à des cas Covid impactant le nombre de personnels en tournage et sur site. C’est donc après avoir passé la majeure partie de la journée à nourrir les quelques 300 animaux répartis sur trois hectares, qu’Océane, 19 ans, et Justine, 23 ans, s’apprêtent à entraîner leur buse de Harris. Ces deux soigneuses travaillent et se forment aux côtés de Pierre Cadéac, fauconnier et référence mondiale en matière de dressage animalier. « A la fin de notre journée, entraîner nos buses, c’est un peu la récompense », sourit Justine en se dirigeant vers un petit bâtiment. Ces deux jeunes femmes ont cha- cune leur propre buse, « la mienne s’appelle Saphir et celle d’Océane n’a pas en- core de nom » continue-t- elle. Six jours sur sept sans exception, elles les font voler en se les échangeant sur une cinquantaine de mètres. « Au début, on les habitue d’abord à manger au gant » détaille Océane, puis au fur et à mesure, les trajets se rallongent. L’énergie nécessaire au rapace est telle qu’il faut trouver le poids de vol idéal de l’oiseau. C’est donc sur ces mots que la première buse à passer sur la balance est celle d’Océane. Calme, mais l’œil vif, elle agrippe ses serres au per- choir posé sur la balance. « 775 grammes », réfléchit-elle, « peut-être deux, trois poussins ou un cou et demi ». L’objectif de la pesée est de savoir en fonction du poids de la buse si les récompenses lors de l’entrainement doivent être plus ou moins copieuses. Un poussin par exemple, représente un apport protéique plus important qu’un cou de dinde. Une fois le suivi de poids réalisé, Justine accompagnée d’Océane et sa buse perchée sur son gant, traverse le parc pour aller la faire voler à l’extérieur. Les deux soigneuses se séparent donc à travers les champs et les vignes environnantes. Justine d’un côté et Océane avec sa buse de l’autre. « Hop ! Hop ! Hop ! Hop ! Hop ! Allez » crie la soigneuse en agitant un poussin dans les airs. Objectif : attirer l’attention de la buse qui observe les alentours, pour la faire voler jusqu’à elle. Le premier voyage est un succès, le rapace déguste son poussin, pour autant l’entraînement ne s’arrête pas là. Il leur faut réaliser plusieurs aller-retour. « Le plus difficile c’est le retour jusqu’à Océane, parce qu’elle a le vent de face donc ça lui demande beaucoup plus d’énergie et de force. Elle est un peu flemmarde, mais c’est important qu’elle puisse bien se muscler les ailes », explique Justine. C’est ensuite le même rituel qui se répète avec cette fois-ci, Saphir, la buse de Justine. Légèrement plus musclée, ce rapace effectue des trajets légèrement plus grands. Ce n’est qu’une fois l’entrainement au dressage réalisé que les deux jeunes soigneuses discutent et ajustent les rations pour les fois suivantes. « C’est assez compliqué de trouver puis gérer le bon poids de vol. Si on leur donne trop de poussins, c’est l’échappée, si on ne leur en donne pas assez c’est la mort…». C’est donc après leur « tâche » préférée que la journée se termine, pour un autre entraînement dès le lendemain.
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       PIERRE CADEAC

Dresseur d’animaux

Fauconnier aux premières heures et dresseur de renom dans le milieu du cinéma et de la publicité, Pierre Cadéac, 64 ans, est le directeur de l’entreprise Fauna & Films. Cette société proche de Fontainebleau est spécialisée dans le domaine de l’éducation et du dressage d’animaux, au service du cinéma, de la télévision et de la publicité.

“De réussites en échecs, je suis devenu dresseur professionnel”

 

Samedi 15 juin 2021

Villemer (Seine et Marne)

Pauline Vilchez : Comment êtes-vous devenu dresseur d’animaux pour le cinéma et la publicité ?

Pierre Cadéac : Lorsque j’étais jeune adolescent, j’ai trouvé une buse blessée que j’ai soignée et de fil en aiguille c’est devenu ma passion. A 15 ans, j’étais fauconnier et j’avais un aigle royal avec qui je partais, seul, durant une semaine dans la nature vers St Bertand-de-Comminges. Il chassait et m’attrapait des chevreuils, il me nourrissait. Et puis un jour, le réalisteur Louis Malle qui tournait un film dans le Lot, a eu besoin d’un aigle. Forcément un enfant qui a un aigle royal à 15 ans, ce n’est pas commun, donc j’étais un petit peu connu dans la région, et il a fait appel à moi. Il faut savoir qu’à l’époque, le milieu du cinéma n’était pas structuré, était moins professionnel. Par exemple, les réalisateurs faisaient appel à quelqu’un qui avait l’animal qui les interressait, sans que ces personnes soient des professionnels. 

Et puis, on m’a rappelé en me demandant si je savais dresser un
chat, et de réussites en échecs, je suis devenu dresseur professionnel. Aujourd’hui j’ai participé à plus de 
4 000 films et touné aux quatre coins de la planète.

“Nous réalisons aussi de la reproduction d’oiseaux”

 

P. V. : Comment avez-vous créé votre société Fauna & Films ?

P. C. : A 40 ans, j’ai quitté mon Sud-Ouest pour me rapprocher de la capitale, centre névralgique du cinéma. Alors, j’ai acheté un labours sur lequel j’ai commencé à contruire. Les agriculteurs du coin me prenaient pour un fou ! Mais aujourd’hui Fauna & Films s’étale sur trois hectares avec 300 animaux. Il y a des loups, des renards, des chouettes, des hiboux, des pélicans, des cigognes, des écureuils des chiens, des chats, une panthère, un lynx, différentes sortes de singes etc.

Outre le dressage pour le cinéma ou la publicité, nous réalisons également de la reproduction d’oiseaux et notamment le marabou et le toucan (NDLR. Fauna & Films est le seul en France à reproduire le toucan). C’est d’ailleurs pour cela que nous faisons partie de l’Association Française des Parcs Zoologiques (AFdPZ). Je crois que nous sommes d’ailleurs la seule entreprise à en faire partie, car normalement cette association n’est réservée qu’aux réserves et zoos. Du coup nous avons participé à la réintroduction du vautour dans les Balkans, ou encore du pygargue à tête blanche.

P. V. : Quel a été l’impact du Covid-19 sur votre entreprise liée au monde du cinéma ?

P. C. : C’est très simple : tant que les cinémas ne rouvreront pas, mon entreprise ne tournera pas ou très peu. En 2020, lorsque tout cela a commencé (NDLR. le confinement, et la fermeture de tous les lieux publics en raison de la crise sanitaire liée au coronavirus), les réalisateurs et producteurs se sont dit que ça ne durerait pas longtemps. Donc ils ont continué les tournages… mais maintenant que la situation dure et qu’il y a plein de films dans les tiroirs, c’est très compliqué.
Le problème, c’est que cette baisse d’activité m’a obligé à mettre certains de mes employés au chômage partiel. Or, le dressage sur nos animaux doit s’effectuer tous les jours, et avec moins 
de personnel, tout se complique : le nourrissage prend plus de temps et le les entraînements sont moins réguliers qu’en temps normal. Mais on ne perd pas espoir, on y arrive !

Du coup, nous avons entamé des travaux dans tout notre parc, dans l’objectif d’ouvrir au public. Des petits groupes de 10/15 personnes pourront caresser les loups, faire voler les aigles, nourrir les lémuriens etc.

“Un animal dressé est un animal heureux”

 

P. V. : Comment dresse-t-on des animaux ?

P. C. : Tout dépend de l’espèce. On ne dressera pas un loup comme on dresse un cerf, de même qu’on ne dressera pas un lynx de la même façon qu’un aigle. Il faut d’abord bien connaitre le comportement de l’animal au sens éthologique du terme et orgarniser au mieux sa vie avec les hommes. Jeune, j’ai d’ailleurs été beaucoup aidé par Alain Gallo, professeur d’éthologie à Toulouse. Mais pour résumer, je pense qu’il y a deux règles maîtresses dans le dressage : l’apprivoisement (lié à la confiance) et l’intéressement de l’animal. Mais il faut surtout retenir que dresser un animal, l’imprégner, ne le perturbe pas forcément. On travaille juste sa sociabilisation avec l’humain. Et participer à la vie des hommes leur fait du bien, on le voit à leur comportement, leur alimentation… Un animal dressé est un animal heureux.

Propos recueillis par Pauline Vilchez.